Arts
01 12 2016

LE LIEU TRANSCENDE LA PENSÉE

Jean-Luc Chapin est né en 1959 au Lude et vit dans le Bordelais. Il est photographe à l’agence VU’ depuis 1993. Inconditionnel de l'argentique et adepte du noir et blanc, Jean-Luc Chapin poursuit des recherches personnelles sur le paysage, la nature, le monde animal et leurs rapports avec l’homme. Passionné de littérature, il interroge le rapport texte-image dans des collaborations régulières avec des écrivains.

 

Cette série est une réponse à un futur livre en noir et blanc, elle débute par une allusion directe à "natures", livre où le végétal tient une place prédominante, manière d'établir un lien. Autre lien, celui-ci plus profond : l'argentique de cette même série, l'argentique dans lequel je baigne et qui me semble participer d'un fonctionnement proche par certains aspects du "génie" du vin, fait d'extrapolation, d'attente patiente, d'encadrement technique, de recherche de matière sans compter les aléas de la lumière qui nous ramènent très directement aux conditions météorologiques qui engagent pour partie l'avenir d'un millésime. L'affaire est à méditer et il y aurait beaucoup à dire sur ce rapprochement mais…

©JLChapin

… Je dois avouer que, bien au-dessus de cela, la toponymie a submergé toutes autres considérations une fois arrivé sur place, je la connaissais bien évidemment et souhaitait m'y confronter d'autant que la présence tutélaire du célèbre tableau de J-F Millet est revendiquée, plus fortement que j'aurais pu le prévoir et à ma plus grande satisfaction. Ce tableau est une icône dont les traces imprègnent notre culture, le tableau "le plus connu après la Joconde" ai-je lu. Cela m'a immédiatement happé, "le lieu transcende la pensée." Un lieu…

©JLChapin

…Un château bâti en réponse à cette image, architecture littérale que je me devais d'inscrire avec retenue dans une terre, un terroir, à l'instar de l'église du tableau de Millet. Peut-être le château est-il encore trop présent tant le sentiment religieux émane du vide sidérant d'une campagne sans aspérités, ce tableau est une chambre d'échos, un paysage sonore, autre temps autre lieu je l'ai rempli de vignes et le son des cloches vient buter contre des coteaux. Elles tintent aux heures de l'angélus, "petite musique" sobre qui appelait à une prière fervente et silencieuse, qui rythmait la journée, je l'ai entendu. Dans mes photographies, point de personnages, un regret, mais une présence paysagère, la chance d'un ciel lumineux et…

©JLChapin

…Une présence animale qui nous ramène au travail, vertu d'une pratique moderne qui réintègre le cheval dans le paysage. Ce cheval élargit le champ temporel, obère le temps, il dit le travail patient, il mène pour qui veut bien me suivre aux trois images d'une "apologie du raisin", la finalité, la fin engendrant un autre cycle. "Les grappes pendent et attendent d'être bues", j'en termine avec cette paraphrase osée d'un Francis Ponge qui a écrit des arbres "qu'ils attendent d'être lus".